René Barjavel : " le Voyageur imprudent" un classique de la science-fiction

Sorbier (Allier) le 10 mars 2011 
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Le Voyageur imprudent est un chef-d'œuvre, un classique de la science-fiction.

Revivre le passé - qui n'en a pas rêvé , au moins une fois dans sa vie d'en posséder le pouvoir ? Toutefois lorsque le physicien et chimiste Noël Essaillon propose à Pierre Saint-Menoux d'expérimenter des pilules de sa composition à cet effet, le jeune homme a une hésitation bien compréhensible; mais sa curiosité de mathématicien l'emporte finalement sur la crainte du ridicule ou la crainte tout court et l'essai se montre si concluant qu'il accepte de seconder le savant dans ses expériences... 

Ce dernier a découvert une substance - la noëlite - telle que quiconque en est revêtu échappe à l'emprise du Temps. C'est protégé par un scaphandre vert enduit de cette noëlite que Saint-Menoux commence son exploration de l'avenir par bonds successifs qui l'amènent au millième siècle. Ce qu'il y voit incite Noël Essaillon à l'accompagner. Le savant y perdra la vie. sa disparition ne met pas un terme aux incursions de Saint-Menoux hors de son époque naturelle, au contraire.

De là datent ses imprudences...

René Barjavel est probablement le premier auteur français de science-fiction à aborder le paradoxe temporel. Un sujet de réflexion apportant plus de questions que de réponses. Comment se fait-il que l'architecte, voisin de chambre de Pierre Saint-Menoux disparaît à cause d'une imprudence de notre chrononaute lors d'un voyage à la fin du 19 eme siècle, alors que ses créations existent ? Comment se fait-il aussi qu'après avoir tué son grand-père lors du siège de Toulon, siège que les Français remportèrent sous les ordres de Napoléon ?

Mais au-delà de ces questionnements, la lecture de ce roman de science-fiction donnera beaucoup de plaisir au lecteur qui voyagera aux travers plusieurs histoires qui s'entremêlent. L'histoire de ce caporal auvergnat - Saint-Menoux - partant avec son bataillon dans la tourmente de ce que sera la débâcle de 1940, rencontrera ce savant vivant seul avec sa fille Annette; cette adolescente qui deviendra  femme, amante, presque épouse... mais là encore René Barjavel nous surprend car  il n'y a pas de réalité pour ce voyageur du temps. L'auteur nous prend par la main, nous fait voyager avec Saint-Menoux, nous transporte dans le futur où il nous décrit,par exemple, un Paris désert, envahit par des insectes et des habitants d'un autre âge mourant sous un soleil suffoquant.  

Barjavel a-t-il puisé cet épisode dans l'Histoire ? Il faut bien avouer qu'absorbé dans ces aventures écrites avec maestria, le lecteur ne se pose ces questions qu'après avoir lu ce roman de science-fiction, après l'avoir, non sans regret, rangé soigneusement dans sa bibliothèque peut-être à côté d'un roman de Jean-Pierre Andrevon ?  

Un livre est un grand bavard muet dit Claude Seignolle, aussi je tairais, les multiples péripéties du chrononaute, péripéties vécues avec angoisse par Annette la fille du savant; mais aussi par le lecteur, car Barjavel nous "aspire", nous projette dans une spirale dont il nous est difficile de nous  en échapper, parfois le lecteur se retrouve  "prisonnier" de ce roman comme Saint-Menoux en 1890... 

A cette date, notre "héros", après plusieurs voyages dans ce passé dans lequel il a commis plusieurs  cambriolages tout en disparaissant subitement, fît la une des journaux; d'ailleurs l'un d'eux titrait  : Le Mystère du diable vert. Puis,  après avoir nargué, les forces publiques, effrayé les foules,  il se fait arrêté stupidement car il n'a pu quitté cette année 1890 à cause d'un problème lié au scaphandre, le même problème qui a tué Noël  Essaillon.  

Du roman de science-fiction nous plongeons dans le monde du roman policier, ce "Fantomas" est  arrêté, mais est-il possible d'arrêter Fantomas  ? Les inspecteurs Juve de  1890 sont bien étonnés de trouver sur le prisonnier, des tickets de rationnement, une coupure de presse relatant l'actualité d'un jour de la Seconde guerre.  Comment  notre voyageur imprudent va-t-il se sortir de ce mauvais pas ? Barjavel nous surprend encore et toujours comme il nous surprend dans le post-scriptum  intitulé : To be and not to be.  

Un roman passionnant relaté imparfaitement par ces quelques lignes. N'est pas Barjavel qui veut !  Mais peut-être vous ont-elles  donné l'envie de lire ou de relire ce roman  de science-fiction alors que l'on célèbre le centième anniversaire de sa naissance ? Si tel était le cas, j'en serais comblé.